S’il y a des villes dans le monde dont le passé est plus captivant que leur présent ou leur avenir, Constantine en fera surement partie. L’épaisse strate qui couvre le Rocher et les alentours immédiats de la ville depuis les trois derniers millénaires, n’a pas encore livré tous les secrets de ses entrailles.

Les restes d’édifices, sculptures, mosaïques, céramiques, monnaies, objets domestiques et inscriptions épigraphiques sont des pièces qui suggèrent un état d’esprit, une vie et un cadre urbain. La topographie de la ville antique n’est restituée qu’à travers quelques  évocations artistiques ou à travers de doctes hypothèses espérant une heureuse découverte pour la confirmation de leur teneur.

Toujours est-il de nombreux exercices de l’imagination racontent Constantine durant ces temps obscurs. Sans doute, la perspicacité des géologues n’a d’égal que la fertilité de leur imagination. Comment sont-ils arrivés tels des profilors, à restituer les épisodes  de la formation de ce singulier complexe géologique ?

Reprenons celle qui restitue la formation du site de Constantine : le rocher était une seule masse monolithique que le Rhummel est venu « déchirer ». La configuration actuelle s’était accomplie au  milieu du quaternaire. Le Rhummel contournait le Rocher par le sud en prenant la direction du Nord/Ouest.  En même temps, Il y avait un autre cours d’eau en surface, coulant dans le ravin mais allant vers le sud. Le Rhummel, en venant buter contre le Rocher du côté Sud, avait creusé les parois calcaires provoquant des cassures, et en s’infiltrant,  forma des cavernes. Des galeries souterraines étaient creusées sous la pression des eaux et le Rhummel trouva une issue du côté Nord. Avec les effets de l’érosion, il finit par entraîner la rivière qui coulait en surface vers le Nord. Ce fut alors le détachement du Rocher actuel de celui de Sidi M’Cid. Et les arches au fond du ravin ou flânent les pigeons n’en sont que l’ouvrage naturel des caprices de l’antique et infatigable  Ampsaga.

Si les Australopithèques et les Pithécanthropiens, plutôt industrieux,  n’ont pas assisté à cette métamorphose du site, les néanderthaliens  en étaient les témoins directs. Ces derniers avaient élu domicile à Djebel Ouahch, station ou ont été mis au jour quelques-uns de leurs outils en quartzites. Ils s’étaient sûrement appropriés les grottes situés sur les falaises de Sidi Mcid à la sortie du Rhummel.                

La grotte des Mouflons doit son nom au crâne osseux de l’animal trouvé sur les lieux, actuellement exposé au Musée Cirta. La grotte des Pigeons localisée sur le Rocher de Constantine, sous le Boulevard Zighoud Youcef (ex. De l’Abîme),  ou furent trouvées des fragments de poterie peinte dont les motifs, triangles et losanges stylisés sont encore en usage en milieu rural. Cette découverte confirme que cette grotte était encore habitée jusqu’aux périodes pré-antiques. La grotte des Ours, dont l’appellation évoque les ossements de l’animal récoltés sur les lieux,  située sur la crête qui s’oriente vers le Nord (Direction de Skikda),  s’ouvre également sur le versant intérieur de Sidi M’Cid. Elle aussi, et au vu des objets trouvés, était reste un refuge humain jusqu’à des moments récents.

Enfin, les environs de Constantine, précisément à Bkira, des bâtisseurs de dolmens  y avaient séjournés pour élever leurs monuments funéraires, dont celui attribué à « Salluste ». Cependant, en s’éloignant de Constantine presque dans toute direction, ces ouvrages se multiplient considérablement, particulièrement à Tiddis et  Bounouara. Les spécialistes classent ses « édifices » dans la protohistoire, y ajoutent la poterie modelée peinte de Tiddis et les gravures rupestres d’El Heri. C’est dire que le sol de Constantine et de ses environs n’a pas livré tous ses secrets, les gisements encore enfouis quelque part n’attendent que leur mise au jour.

Cirta figure dans les chroniques des Guerres Puniques. Carthaginois et Romains  se livraient à des guerres pour dominer la mare nostrum. Les belligérants  ne pouvaient ignorer le poids des alliances avec les peuples voisins de Carthage. Masaesyles et Massyles deux grandes tribus des Numides, dont les rois en désaccord permanent,  se livraient  eux aussi à un véritable jeu politique avec les « puissances ». Cirta, tantôt capitale de Syphax, tantôt celle de Massinissa valsait au gré des triomphes des forces en prise.

Après la fameuse sentence delenda carthago mettant fin à la fides punica, Cirta, revenait à Massinissa. Les auteurs latins n’avaient pas manqué de préciser son opulence et les fastes qui s’y tenaient. Massinissa adoptant l’hellénisme comme style de vie, y édifia un palais dans lequel des musiciens grecs enchantaient des invités dégustant le vin local servi dans des coupes d’or et d’argent.

Cirta a été aussi la scène de la fameuse tragédie « Sophonisbe » écrite par Pétrarque. Cette belle carthaginoise promise à Syphax dans un bail politique mais dont la fierté rappelle Elissa  Didon, avait préféré la mort que de figurer dans le butin de guerre de Scipion. Et c’est Massinissa qui lui aurait remis le poison après moult supplications. 

Cirta demeura la capitale des successeurs des Massinissa. Micipsa l’embellit et le petit fils Jugurtha en fit de même. Cependant ce dernier aux ambitions « très africaines », s’opposa fermement aux ingérences romaines dans les affaires de sa patrie. Il élimina ses cousins, souvent des roitelets faibles, vassaux de Rome  et mena une guerre sans merci contre les troupes de Metellus et de Marius. Ce fait d’arme, belli Jugurthinium  a été relaté par Salluste, qui deviendra plus tard le consul de la province de L’africa Nova.

Cependant, au hasard des chantiers entamés durant la colonisation, le site constantinois a livré la preuve d’une présence punique très significative. Le Coudiat Aty et le plateau de Bellevue ont été reconnus comme une zone d’une vaste nécropole. Des ossements calcinés et accompagnés d’objets (miroirs, ciseaux, vases en verre) gisant dans des coffres en pierres fermés par un toit à double pentes ont été mis au jour à la Place Benyezzar (ex. Baudin). Des grottes artificielles conçues en sept chambrettes disposées symétriquement ont été signalées sur le flanc nord du Mansourah. Des tombes creusées dans le bas du rocher de Sidi M’Cid contenant des verres multicolores ont beaucoup d’analogies avec les modèles phéniciens. Un habitat punique sur la rive gauche à la sorte du Rhummel a été découvert en 1960.

Cependant, le site d’El Hofra, situé sur un coteau surplombant la confluence du Rhummel et de Boumerzoug, aujourd’hui occupé par une Agence de Crédit Populaire Algérien (Ex, Hotel Transatlantique, ex  Clinique du Dr Martin), le Garage Sonacome (Ex Maison Renault) et le quartier d’habitat appelé Bidi Louiza, avait livrée deux fois (1875 et 1950)  des séries d’objets considérés comme découvertes archéologiques majeures. Les livraisons de ce site ont permis de classer Constantine en deuxième position derrière Carthage en matière de quantité d’objets archéologiques puniques. Notons également que ce lieu selon J.Bosco,  était qualifié localement de « Jabanet El Ghoraba », littéralement le Cimetière des Étrangers.       

Les vestiges d’un sanctuaire, des stèles votives, des pièces de monnaies et des ossements d’enfants ont été découverts sur le coteau d’El Hofra. Les études de ces objets datant du IIIe et du IIe S. av.J-Ch, ont permis d’identifier un hypothétique tophet, analogue à  celui de Carthage, dont les rites qui s’y déroulaient avaient inspiré Flaubert pour commettre son célèbre « salaambo ».    

Les stèles votives, en calcaire bleu extrait du Rocher de Constantine, dont le sommet se termine en « fronton », portent des inscriptions puniques, des formules religieuses, des symboles et des objets figurés. Aujourd’hui, l’écriture des stèles d’El Hofra constitue une référence incontournable dans les études phéniciennes et  puniques.

Si Tanit et Baal Hamon étaient les principales figures théophoriques, Melqart et Baal Addir avaient également une place dans le panthéon cirtéen.

L’interrogation savante des inscriptions épigraphiques avait permis de restituer quelques aspects de la vie urbaine de Cirta.   Himilkat, Azarbaal, Abdelmelqart, Bodastart et Mattanelim  faisaient partie de la caste sacerdotale qui comprenait également des prêtresses dont une prénommée Arisat . L’administration était régie par deux sophetim (suffètes),  assistés de  Baalyaton, Abdesmun et Magon qui assuraient en tant que scribes la pérennité de la langue et de son écriture. D’autres stèles portent des figures d’armes,  dont une d’entre elles, reproduit les équipements du guerrier gisant dans la chambre sépulcrale du mausolée de la Souma, situé à quelques kilomètres au sud-est de Constantine dans la périphérie du Khroub. Il y avait des « guérisseurs », des orfèvres, des menuisiers et des fabricants d’arcs….Autant dire que la ville était un centre urbain commercial et religieux, attirant les populations des alentours qui ne manquaient pas de souligner leur origine dans les formules gravées sur les stèles.

A regarder de près les stèles, il est loisible de distinguer l’architecture des édifices dans la ville. En effet, la mise en page des stèles laisse voir des détails architecturaux et architectoniques qui ne devaient pas être méconnaissables des constructeurs locaux. Colonnes aux chapiteaux doriques, éoliques et ioniques surmontées  d’entablements décorés de perles et de pirouettes, d’oves et de dards, permettent d’affirmer que l’architecture grecque était dans le goût préféré des cirtéens.

La romanisation de Cirta, antérieure à l’an 27 av.J-Ch, s’attachait à Sittius. Enigmatique compradore campanien, monnayant ses services en chef de mercenaires, il est  signalé par certains auteurs comme partie prenante dans la   conjuration de Catilina. Sa participation au  bello africo de César lui avait permis de bénéficier de Cirta et des territoires environnants en guise de rétribution.  Comme pour confirmer un statut géographique de région historique, Rusicade (Skikda), Chullu (Collo) et Milev (Mila) n’ont pas été détachées de Cirta pour former la Respublica quatuor coloniae Cirtenses. Pour ce statut exceptionnel, la principale colonie était  intronisée avec le titre clinquant de colonia Julia Juvenalis  honoris et virtutis Cirta, probable ajustement juridique  faisant entrer la ville dans la mouvance romaine.

Durant cette période, la ville s’était faite une renommée grâce aux personnalités dont le cursus les avait hissé à de hauts rangs dans la sphère du pouvoir impérial.   Q. Lollius Urbicus,  Tidditain (de Tiddis), fut candidatus Caesaris, assura le tribunat de la plèbe et du prétoire sous le règne d’Hadrien, légat de la XXIIe Légion à Mayence et en Bretagne sous le règne d’antonin, gouverneur de la Germanie inférieure et enfin préfet de Rome. M. Cornelius Fronto (Fronton de Cirta) s’était chargé de l’éducation de Marc-Aurèle et de Lucius Verus…

Le modus vivendi romain était à son apogée. Des villas ont été construites sur les  hauteurs de la ville (Sidi mabrouk) et dans les vergers d’El Hamma (Azimacia, terme punique signifiant l’eau qui jaillit selon la traduction de Provençal) et sur les rives florissantes de Boumerzoug  à Chaab Ersas. La Ville sur le Rocher restait accessible grâce à trois pont au moins, dont les amorces de quelqus-uns peuvent encore être admirées sur les bords du ravin.

La ville était alimentée en eau grâce aux multiples aqueducs dont les vestiges sont toujours visibles, l’un d’eux encore debout, au lieu-dit El aquas (Arcades Romaines) s’élève près de la confluence du Rhummel et Boumerzoug.

L’épigraphie latine rend compte de l’existence  troupes de comédiens. Murinus et Ursus étaient les noms de scènes de ces acteurs qui animaient des spectacles dans le théâtre de la ville. Le témoignage d’El Idrissi, en le comparant  à celui de Taormina, permet d’imaginer sa grandeur et le spectacle qu’il offrait sur les paysages verdoyants d’El Hamma, car selon quelques avis il serait situé sur la bordure en contre-bas du Rocher au Square Panis, aujourd’hui affectée à la construction de l’Hôtel Ibis.     

Les citernes du Fort de Bellevue de la Casbah et de Bab El Djabia distribuaient l’eau aux fontaines, aux habitations et surtout aux thermes dont la plupart se regroupaient du côté Est  du Rocher.  De véritables institutions, dont le balineum pacatianum.

Les rues de la ville étaient marquées par des arcus tiumphalis, celui de Natalis était encore visible en 1837 en travers de la voie qui allait être réaménagée en rue Caraman, aujourd’hui Didouche M. Un tétrapyle quadrifons s’élavait sur l’entame de la voie qui donnera plus tard la rue Combes, aujourd’hui Rouag.

La ville avait également plus d’un forum…celui attenant au Palais du Bey avait un caractère patricien, l’autre réoccupé par Souk Ettujjar avait un caractère vénal ou plébéien…L’Esplanade du 1^er Novembre (place de la Brèche)  était surement un lieu de promenade des cirtéens durant l’antiquité tardive.   

La ville possédait des temples dédiés aux divinités romaines (Mercure, Bacchus…). Cependant la préséance revenait à la triade capitoline qui s’érigeait  au sommet du Rocher à la Casbah…Le faîte  du capitole serait haut d’une trentaine de mètres…On y trouva une statue de la Victoire en Bronze, dont on s’inspira pour faire la copie de celle qui s’apprête à voler et ornant le sommet du Monument aux Morts élevé sur l’autre versant, sur le Rocher de Sidi M’Cid.

Il y a un intermède chrétien à Constantine….Le Rocher des Martyrs, méconnu, porte les noms de quelques victimes de « persécutés » de Valérien…. Quelqu’un avait tenu à graver les noms de Marien, Jacques, Victor, Tatus, Crispus, Sylvain… sur un rocher sur la rive droite du Rhummel à quelques pas du pont du Diable pour rappeler aux passants le martyr  cirtéen…

Depuis 313, elle s’appelait Constantina. Le vainqueur de la bataille du pont de Milvius accorda son nom à la ville qui l’avait soutenue non sans payer le tribut de son appui. Quelques inscriptions exposées sur le mur de la casbah témoignent des hommages rendus à la gloire de Constantin  « auteur de la liberté et de la sécurité perpétuelle ». Sa statue, inspirée du modèle conservé à la Basilique de Saint-Jean- de-Latran à Rome, a été exécutée en marbre blanc par le sculpteur François Brasseur et placée sur la Place en face de la Gare en 1908 Sur le piédestal, nous pouvons lire ce rappel « A Constantin-le-Grand, qui releva de ses ruines Cirta détruite par Maxence et lui donna son nom en 313 ».         

Constantine ne figurait pas dans les territoires de prédilections des vandales. Avides de conforts, ces derniers avaient jetés leur dévolu sur les grandes villes laissées par les romains. Les seuls indices relatifs à cet intermède concernent un trésor daté de l’an 455 trouvé en 1949 au Hamma  et d’une histoire macabre faisant état d’un meurtre de commis par Genséric sur la veuve de son frère en la poussant du haut d’une falaise….     

La Reconquista byzantine n’était pas de tout repos. A en juger par le nombre de fortins autour de Constantine, la situation effervescente, les schismes et les hérésies n’étaient pas du gout des romains de l’orient qui tenaient à rétablir le catholicisme. Les territoires étaient partagés en subdivisions militaires,  Constantine  était le siège du dux…Notons que les byzantins édifièrent une basilique la place du Capitole à la Casbah…. 

La « médiévité » constantinoise, telle qu’elle ressort des écrits des historiens, des chroniqueurs et des voyageurs  est assez complexe. Les quelques bribes ne peuvent fournir une matière suffisante   pour une restitution crédible de l’état de la ville et de son actualité. Son islamisation n’est évoquée que dans des vagues hypothèses. Selon les propos de certains auteurs, pour empêcher les arabes de convoiter le pays, la Kahina entama un véritable travail de destruction. Constantine  résista au siège, mais certains de ses ponts ont été démolis.

Constantine et sa région faisaient surement partie des territoires sous la tutelle des aghlabides. Concernant la ville, le silence durant cet intermède est pesant. Cependant quelques spécialistes du monde médiéval maghrébin laissent entendre que dans la moquée Djamaa El Kébir, quelques détails architecturaux et artistiques s’apparentent pleinement à l’art développé durant le règne aghlabide. Les fatimides occupèrent la ville sans coup férir selon Ibn Khaldoun : les habitants capitulèrent pour avoir la vie sauve. En faisant quelques recoupements, la souche citadine de  Constantine était composée de ajam el bilad (selon l’expression de El Yaqubi), c’est-à-dire des berbères, des roums, des afariks et des bèrbères latinisés…des arabes et des persans.

L’arrivée des sanhadjiens avait fait entrer Constantine et sa région dans la mouvance de la dynastie Ziride. Les hammadites l’annexèrent probablement en 1062, pour lui octroyer le statut de Province à côté de Miliana, Souk Hamza, Ngaous et Ashir.  Durant le règne d’Al Aziz (1105-1124), le gouvernement de Constantine a été confié à son fils Saba B.Al Aziz. Cette nomination traduit l’intérêt que portaient les princes hammadites à Constantine. Ses successeurs étaient également issus de la famille princière. 

Le témoin majeur de cette dynastie en matière d’architecture reste Djamaa el Kébir situé au cœur de la vieille ville. Bâtie, probablement sur les restes d’un édifice romain, une inscription arabe en lettres coufiques stylisée incrustée dans la cimaise du mihrab mentionne le nom du bienfaiteur  en l’occurrence Mohamed B.Bouali Al Thaalibi et à la date de sa construction, l’an 530 H (1136/1137). Aujourd’hui « redessinée » après la démolition d’un pan pour le percement de la rue  Impériale en 1868 (aujourd’hui Rue Benmehidi), seule la salle de prière témoigne de son passé. C’est un véritable musée : colonnes galbées, lisses et cannelées, chapiteaux corinthiens, composites, doriques et d’autres dont un porte un symbole de l’alpha et l’oméga datant d’une période paléo-chrétienne….des arcs de différentes formes, des claustras, de la céramiques chatoyantes…         

Son minaret, de section carrée, de deux niveaux surmontés d’un bulbe, a été remanié durant la démolition partielle.

Les villes fondées depuis la conquête arabes périclitèrent ; Achir, Qalâa des Beni Hammad et Tihert se dépeuplèrent et tombèrent en ruines. Le repli des Hammadides sur les villes revivifiées (Constantine et Bougie) avait ramené une certaine dynamique au nord. Ainsi, Constantine et Bougie s’érigèrent en pôles stratégiques, même si les Hammadides instituèrent une principauté maritime. C’était sans compter avec la prise des principales places maritimes occupées par les Normands.

Cependant, avec l’invasion hilalienne, il y avait une véritable cacophonie. Les Almohades ne pouvaient assurer une maitrise efficace du territoire. La fin du XIIe siècle marquait le début de la décadence Almohades et aussi le réveil de l’appétit des Almoravides, dont l’un d’entre eux Ibn Ghania, entreprit  d’assiéger Constantine après avoir dévasté Bougie.

Cet intermède est marqué par une légende que rapportait Ibn Kounfoud : Ibn Ghania priva la ville d’eau en détruisant les aqueducs qui l’alimentaient. Les habitants se tournèrent vers un homme saint Ali Ibn Makhlouf, dont les prières exhaussées ont déclenché un orage, et les citernes furent remplies. Ibn Ghania déçu s’éloigna. Cependant, la version des historiens rapporte que l’assiégeant almoravide dut se replier à l’approche d’un renfort armée dépêché par le souverain Almohade.             

Constantine est liée à la proclamation de la naissance de la dynastie hafside. Vers 1230, Abou Zakaria s’empara de la ville et d’autres territoires voisins, profitant de l’affaiblissement de l’empire almohade. Il fonda la dynastie hafside qui régna sur les territoires Est de l’Algérie et la Tunisie jusqu’à la Régence Turque.

Durant ce règne Constantine se démarque par une présence continue en tant que province importante. Ce statut avait aiguisé les tentatives indépendantistes de ses gouverneurs, tels Ibn El Wazir, lequel fut tué après de rudes batailles par les troupes d’Abou Farès, fils du suzerain hafside.

La ville bénéficia des faveurs et de l’affection d’Abou Zakaria. Il étendit l’emprise de la casbah en acquérant des terrains mitoyens, reconstruisit la mosquée et son palais.

Léon l’Africain apportait son témoignage à propos de la forteresse : c’est  « une grande et forte citadelle bâtie au temps de la fondation de la ville mais dont les fortifications ont été remplacées par un lieutenant du Roi actuel, un renégat chrétien originaire de Provence nommé le caïd Nabil.»

Cette forteresse était le siège du gouverneur, entourée de murailles hautes, dotées de  rues et possédant sa propre mosquée, elle n’avait qu’un seul accès, ce qui lui permettait de jouir d’une certaine autonomie, en tant que petite « ville gouvernementale ».

En somme ces éléments attribuaient à la ville une vocation politique, commerciale et « culturelle». La ville était structurée par une voie traversant la ville, joignant deux portes opposées, « belles, grandes et bien ferrées », Bab El Oued au Sud/Ouest et Bab El Kantara à l’Est. Cette rue principale était jalonnée par la Grande Mosquée Hammadide implantée sur le côté sud, jouxtant les souks. Ces derniers organisés en corporations, étaient séparés par des places « belles et bien ordonnées.» La ville était entourée de terrains agricoles d’un rendement important, ainsi que de beaux jardins longeant la rivière. Les gouverneurs possédaient leurs jardins de plaisance et leur hippodrome. Derrière le Coudiat les gouverneurs Hafsides avaient établi la mossallah, un lieu en plein air entouré d’une enceinte, pour l’accomplissement des grandes prières des fêtes.  

Les conditions de la soumission de Constantine au Turcs laissent planer quelques « zones floues ». Rien que concernant l’année, plusieurs versions sont proposées (parfois sans conviction), aux environs de 1533 pour Ch-A. Julien et M.Kaddache, 1535 pour Vayssettes.

L’opposition aux turcs était venue principalement des souverains Hafsides qui n’acceptèrent pas leur domination. Les représentants de la dernière dynastie à Constantine ne purent compter sur l’appui des grandes tribus, car les turcs les précédèrent en contractant des alliances moyennant la reconduction des anciens privilèges (les Hanencha et les Dreid).

A la veille de la colonisation française, « à Constantine, on comptait 35 mosquées, 7 medersas…qui accueillent 600 à 900 élèves. C’est beaucoup pour Constantine… » nous dit Noushi.  A cette vocation s’ajoutait une « caste » de savants dont la prégnance dans la gestion des affaires de la cité était déterminante.

  La mosquée de Souk El Ghezel, construite vers 1730 grâce aux donations d’El Hadj Abbas Ben Djelloul, alors exerçant la fonction de « Bach-Kateb » auprès de Kilian Hossein Bey. Ce dernier, selon E.Vaysettes, avait récolté les honneurs en mettant son nom sur une plaque de la porte principale, supplantant, celui de son ministre. Hassan Bey Bou Hanek (1736-1754), édifia lui la mosquée de Sidi Lakhdar et Salah Bey, El Kettani.

Sur le plan organisation urbaine, les actions des beys se résument à l’institution des corps des métiers (corporations) par Hossein Bey dit Zerg Ainou (1754-1756), la construction de la Caserne des Janissaires près de la Place des Chameaux par Ahmed Bey El Colli (1756-1771).

Les opérations d’aménagement initiées concernant le Beylik, se limitaient aux expéditions punitives dont les tribus en faisaient les frais de leur insoumission à payer les impôts. Notons une opération limitée aux environs de la ville, à El Fahs El Abiadh (El Hamma) et qui avait occasionné quelques travaux agricoles, initiés par Ahmed Bey El Colli.

Toutefois, le premier Bey à avoir repris les commandes sur la partie septentrionale de la province du Levant, fut Salah Bey. Il entreprit également plusieurs opérations de réaménagement dans la ville. Souk El Djemaa (el Acer aujourd’hui) , medersa, mosquée El Kattania sont les lieux témoignant de cet intérêt envers la ville, en plus de la reconstruction du pont d’El Kantara, pour lequel un architecte italien (Don Bartoloméo) a été dépêché.

Ahmed bey quant à lui, dernier bey, n’avait pas longtemps gouté aux délices du palais qu’il construisit en 1826. Aujourd’hui, le visiteur peut admirer la richesse artistique que le dernier Bey avait tenu à instaurer.    

    

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